Les études scientifiques consacrées à
l’impact économique et social de l’institution familiale s’est largement
développée ces dernières années en particulier dans le monde anglo-saxon.
L’audience sans cesse croissante de la théorie du capital humain et du capital
social a donnée lieu à une reconsidération de l’impact de la vie familiale
sur la constitution de ceux-ci. La major partie de la littérature se rapporte à
celui qui a décrit l’importance de ce facteur dans la société démocratique
américaine sans toutefois le nommer, Alexis de Tocqueville et son art de s’associer : « Aux États-Unis,
on s’associe dans des buts de sécurité publique, de commerce et d’industrie, de
morale et de religion. Il n’y a rien que la volonté humaine désespère
d’atteindre par l’action libre de la puissance collective des individus.”[1]
De notre coté, nous proposons une définition large qui s’applique d’abord
aux individus: la capacité individuelle
de s’associer positivement avec des personnes de tout horizons afin d’obtenir
un bénéfice immédiat ou futur. La majorité des
auteurs utilisant ce concept entretiennent une ambiguité sur le titre de
propriété du capital social.
Appartient-il aux individus ou aux structures sociales ? Francis Fukuyama
ne tranche pas : « le
capital social peut être incorporé dans les groupes sociaux les plus petits et
les plus élémentaires, la famille, aussi bien que dans les plus grands comme la
nation et dans tous les groupes intermédiaires. Le capital social diffère des
autres formes de capital humain parce qu’il est généralement créé et transmis
par des mécanismes culturels, comme la religion, la tradition, et les habitudes
historiques ”[2]. Une
autre ambiguité doit être soulevé, le capital
social est-il une composante du capital
humain ou parle-t-on de deux concepts distincts ? Il est communément
admis que le capital humain désigne l’ensemble des compétences et des
ressources culturelles et intellectuelles dont dispose l’individu. Est exclue a
priori la forme sociale des ressources de l’individu, il faut donc distinguer
ses deux concepts.
Si James Coleman, l’un des premiers
concepteurs du concept de capital social,
estime que l’influence du groupe familial a été supplanté par la diffusion
massive du capital social au sein de nouvelles institutions à l’âge démocratique,
des chercheurs aussi différents que Francis Fukuyama, David Sven Reher, ou Nan
Marie Astone réaffirment le rôle premier de l’institution familiale dans la
constitution du capital social. Le
premier associe la famille forte (famille où les enfants sont très liés au
groupe familial) avec un capital social
faible dans la mesure ou les enfants de ce type de famille établissent des
relations étroites avec les seules membres de la famille d’où la constitution
d’une faible capacité d’association libre des individus issus d’horizons
divers, alors que, paradoxalement, la famille faible (émancipation rapide des
enfants du cercle familial) permet aux futurs adultes de constituer un fort capital social indispensable à des
associations futures durables et prospères avec d’autres personnes[3].
D.S. Reher[4],
utilise les familles à liens forts et
les familles à lien faibles pour
expliquer respectivement la spécificité des populations de l’Europe du sud et
de l’Europe du sud. M. N. Astone condamne l’hypothèse de J. Coleman selon
laquelle la famille n’est pas le
générateur principal du capital
social des individus et recommande aux sciences sociales de se rapprocher
des études anthropologiques et démographiques de la famille.[5]
Les chercheurs commencent à comprendre l'importance du système familial dans la constitution d'un potentiel de libre association et de prospérité des futurs adultes.
[2] Francis
Fukuyama, Trust, 1997
[3] Francis Fukuyama, Social capital, civil society and Development, Third World
Quarterly, Vol 22, 2001. Patrick Blanchenay, a montré comment un capital
social faible constitue un facteur limitant et potentiellement générateur d’une
trappe à pauvreté. Et donc
inversement, un capital social fort fourni par la vie familiale donne aux
enfants un potentiel de coopération positive et prospère à l’âge adulte, In The Culture of Cooperation: A
Social Poverty Trap, LSE, 2008.
[5] Nan Marie Astone, Constance A. Nathanson, Robert Schoen, Young J. Kim, Family
Demography, Social Theory, and Investment in Social Capital, Population and Development Review, March 1999
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