dimanche 5 août 2012

L’institution familiale et la constitution du capital social et humain.



Les études scientifiques consacrées à l’impact économique et social de l’institution familiale s’est largement développée ces dernières années en particulier dans le monde anglo-saxon. L’audience sans cesse croissante de la théorie du capital humain et du capital social a donnée lieu à une reconsidération de l’impact de la vie familiale sur la constitution de ceux-ci. La major partie de la littérature se rapporte à celui qui a décrit l’importance de ce facteur dans la société démocratique américaine sans toutefois le nommer, Alexis de Tocqueville et son art de s’associer : « Aux États-Unis, on s’associe dans des buts de sécurité publique, de commerce et d’industrie, de morale et de religion. Il n’y a rien que la volonté humaine désespère d’atteindre par l’action libre de la puissance collective des individus.”[1]
De notre coté, nous proposons une définition large qui s’applique d’abord aux individus: la capacité individuelle de s’associer positivement avec des personnes de tout horizons afin d’obtenir un bénéfice immédiat ou futur. La majorité des auteurs utilisant ce concept entretiennent une ambiguité sur le titre de propriété du capital social. Appartient-il aux individus ou aux structures sociales ? Francis Fukuyama ne tranche pas : «  le capital social peut être incorporé dans les groupes sociaux les plus petits et les plus élémentaires, la famille, aussi bien que dans les plus grands comme la nation et dans tous les groupes intermédiaires. Le capital social diffère des autres formes de capital humain parce qu’il est généralement créé et transmis par des mécanismes culturels, comme la religion, la tradition, et les habitudes historiques ”[2]. Une autre ambiguité doit être soulevé, le capital social est-il une composante du capital humain ou parle-t-on de deux concepts distincts ? Il est communément admis que le capital humain désigne l’ensemble des compétences et des ressources culturelles et intellectuelles dont dispose l’individu. Est exclue a priori la forme sociale des ressources de l’individu, il faut donc distinguer ses deux concepts.
Si James Coleman, l’un des premiers concepteurs du concept de capital social, estime que l’influence du groupe familial a été supplanté par la diffusion massive du capital social au sein de nouvelles institutions à l’âge démocratique, des chercheurs aussi différents que Francis Fukuyama, David Sven Reher, ou Nan Marie Astone réaffirment le rôle premier de l’institution familiale dans la constitution du capital social. Le premier associe la famille forte (famille où les enfants sont très liés au groupe familial) avec un capital social faible dans la mesure ou les enfants de ce type de famille établissent des relations étroites avec les seules membres de la famille d’où la constitution d’une faible capacité d’association libre des individus issus d’horizons divers, alors que, paradoxalement, la famille faible (émancipation rapide des enfants du cercle familial) permet aux futurs adultes de constituer un fort capital social indispensable à des associations futures durables et prospères avec d’autres personnes[3].
D.S. Reher[4], utilise les familles à liens forts et les familles à lien faibles pour expliquer respectivement la spécificité des populations de l’Europe du sud et de l’Europe du sud. M. N. Astone condamne l’hypothèse de J. Coleman selon laquelle la famille n’est pas le  générateur principal du capital social des individus et recommande aux sciences sociales de se rapprocher des études anthropologiques et démographiques de la famille.[5]
Les chercheurs commencent à comprendre l'importance du système familial dans la constitution d'un potentiel de libre association et de prospérité des futurs adultes.


[1] D.A I, GF Flammarion, p.275.
[2] Francis Fukuyama, Trust, 1997
[3] Francis Fukuyama, Social capital, civil society and Development, Third World Quarterly, Vol 22, 2001. Patrick Blanchenay, a montré comment un capital social faible constitue un facteur limitant et potentiellement générateur d’une trappe à pauvreté. Et donc inversement, un capital social fort fourni par la vie familiale donne aux enfants un potentiel de coopération positive et prospère à l’âge adulte,  In The Culture of Cooperation: A Social Poverty Trap, LSE, 2008.
[4] David Sven Reher, Family Ties in Western Europe: Persistent Contrasts, 1998
[5] Nan Marie Astone, Constance A. Nathanson, Robert Schoen, Young J. Kim, Family Demography, Social Theory, and Investment in Social Capital, Population and Development Review, March 1999

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